TP : Mendel et la transmission des caractères héréditaires
extrait de : Recherches sur les hybrides végétaux 

Des débuts de la génétique aux enjeux actuels des biotechnologies
  1. Choix des plantes d'expérience ↓
  2. Division et disposition des expériences ↓
  3. La première génération des hybrides ↓
  4. La deuxième génération des hybrides ↓
  5. TP; Avant Mendel; Recherches sur les hybrides végétaux : complément

  1  



  5




 10




 15




 20




 25




 30




 35




 40
Choix des plantes d'expérience
Les plantes d'expériences doivent absolument satisfaire à certaines conditions :
  1. Elles doivent posséder des caractères différentiels(1) constants.
  2. Il faut que, pendant la floraison, leurs hybrides soient naturellement, ou puissent
    facilement, être mis à l'abri de toute intervention d'un pollen étranger.
  3. Les hybrides et leurs descendants ne doivent éprouver aucune altération notable
    de fertilité dans la suite des générations.
Des adultérations par pollen étranger, si elles se produisaient au cours des recherches et
n'étaient pas reconnues, pourraient conduire à des conclusions tout à fait fausses. Une
diminution de fécondité ou une stérilité complète de certaines formes, comme on en
rencontre dans la descendance de beaucoup d'hybrides, rendraient les recherches très
difficiles ou les feraient complètement échouer. Pour que l'on puisse connaître les rapports
qui unissent les formes hybrides entre elles et avec leurs espèces souches, il paraît
indispensable que tous les individus de chaque génération soient soumis à l'observation.

Dès le début, les Légumineuses ont particulièrement attiré l'attention, à cause de la
structure spéciale de leur fleur. Des expériences entreprises avec plusieurs espèces de cette
famille ont conduit à ce résultat que le genre Pisum répondait suffisamment aux desiderata
exprimés. Quelques formes bien déterminées de ce genre ont des caractères différentiels
constants et faciles à reconnaître avec certitude ; elles donnent, par fécondation croisée de
leurs hybrides, des descendants à fécondité illimitée. De plus, il ne peut facilement se
produire de perturbations par pollen étranger, car les organes de la fécondation sont
étroitement entourés par la carène et les anthères éclatent quand la fleur est encore en
bouton, de telle sorte que le stigmate est couvert de pollen dès avant la floraison. Ce fait a
une grande importance. (...)

La fécondation artificielle est certainement assez minutieuse, mais elle réussit
cependant presque toujours. Pour la pratiquer, on ouvre le bouton encore incomplètement
développé, on écarte la carène et on enlève chaque étamine avec précaution au moyen d'une
petite pince ; après quoi, l'on peut aussitôt recouvrir le stigmate de pollen étranger.

On se procura dans plusieurs graineteries en tout 34 espèces(2) de Pois plus ou moins
différentes les unes des autres ; elles furent mises à l'épreuve pendant deux ans. On
remarqua, chez l'une des espèces, à côté d'un très grand nombre de plantes semblables,
quelques formes particulièrement anormales. Celles-ci ne variaient cependant pas l'année
suivante et concordaient complètement avec une autre espèce provenant de la même maison :
sans aucun doute les graines avaient été tout simplement mélangées par hasard. Chacune
des autres espèces donna des descendants tous semblables et constants ; on ne put, du
moins, remarquer aucune modification essentielle pendant les deux années d'essai.

(1) En allemand : differirende Merkmale.
(2) On emploierait aujourd'hui le terme variété. Tous les Pois utilisés par Mendel font partie de la même espèce au sens actuel de ce mot.


 45  




 50




 55




 60




 65




 70




 75




 80




 85




 90
On choisit, pour la fécondation, 22 espèces qui furent cultivées chaque année pendant toute
la durée des expériences. Elles se maintinrent sans aucune exception.

Division et disposition des expériences(3)
Si l'on croise deux plantes qui diffèrent d'une manière constante par un ou plusieurs
caractères, ceux qui leur sont communs passent, comme le montrent de nombreuses
expériences, sans modifications chez les hybrides et leurs descendants. Au contraire, chaque
couple de caractères différentiels se fond chez l'hybride en un nouveau caractère,
ordinairement assujetti aux même variations dans la descendance de cet hybride. Le but de
ces expériences était d'observer ces variations pour chaque couple de caractères
différentiels et de trouver la loi suivant laquelle ceux-ci apparaissent dans les générations
successives. Ces recherches se divisent donc en autant d'expériences différentes qu'il se
rencontre de caractères différentiels constants chez les plantes d'essai. Les diverses formes
de Pois choisies pour la fécondation présentaient des différences dans la longueur et la
coloration de la tige, dans la taille et la forme des feuilles, dans la situation, la
coloration et la taille des fleurs, dans la longueur de la hampe florale, dans la coloration, la
forme et la taille des gousses, dans la forme et la taille des graines, dans la coloration de
l'épisperme et de l'albumen. (...)

Dans la discussion qui va suivre, on appelle : caractères dominants(4) ceux qui passent chez l'hybride
complètement ou presque sans modification, représentant eux-mêmes, par conséquent, des
caractères hybrides, - caractères récessifs(5) ceux qui restent à l'état latent dans la
combinaison. L'expression «récessif » a été choisie parce que les caractères qu'elle désigne
s'effacent ou disparaissent complètement chez les hybrides pour reparaître sans
modifications chez leurs descendants, ainsi qu'on le montrera plus tard. (...)

Parmi les caractères différentiels mis en expérience, les suivants sont dominants :
  1. La forme ronde ou arrondie des graines avec ou sans dépressions peu profondes.
  2. La coloration jaune de l'albumen(6). (...)
La première génération des hybrides
1re expérience. - Forme des graines. 253 hybrides ont donné, dans la deuxième année
d'expérience, 7324 graines parmi lesquelles 5474 étaient rondes ou arrondies, et 1850
ridées anguleuses. D'où l'on déduit le rapport 2 à 6.
2e expérience. - Coloration de l'albumen. 258 plantes donnent 8 023 graines ; 6 022 sont
jaunes et 2 001 vertes ; donc celles-là sont à celles-ci dans le rapport de 3,01 à 1.(...)

La deuxième génération des hybrides
Les formes qui, dans la première génération, possèdent le caractère récessif, ne varient plus
dans la deuxième ce qui concerne ce caractère ; elles restent constantes dans leur
descendance.
Il en est autrement de celles qui possèdent, dans la première génération, le caractère
dominant. Les deux tiers d'entre elles donnent des descendants qui portent les caractères
dominant et récessif dans le rapport 3 à 1, et se comportent par conséquent exactement
comme les formes hybrides ; le caractère dominant ne reste constant que d'un seul tiers.

(3) C'est la problématique de Mendel.
(4) En allemand : dominirende Merkmale..
(5) En allemand : recessive Merkmale.
(6) En réalité c'est la couleur des cotylédons, réserves de nourriture de l'embryon.





 95  




100




105




110




115




120




125




130




135




140


Les différentes expériences ont donné les résultats suivants :
1re expérience. - Sur 565 plantes provenant de graines rondes de la première génération,
193 redonnent uniquement des graines rondes et, par conséquent, restent constantes quant à
ce caractère, tandis que 372 fournissent à la fois des graines rondes et des graines
anguleuses dans le rapport 3 à 1.
Donc le nombre des individus hybrides est à celui des individus constants
comme 1.93 est à 1.
2e expérience. - Sur 519 plantes nées de graines dont l'albumen avait dans la première
génération une coloration jaune, 166 donnent exclusivement des graines jaunes, et 353 des
graines jaunes et des graines vertes dans le rapport 3 à 1. Il en résulte, par conséquent, une
répartition des formes hybrides et formes constantes dans le rapport 2,13 à 1. (...)

Les générations ultérieures des hybrides
Si A désigne l'un des deux caractères constants, par exemple le dominant, a le caractère
récessif et Aa la forme hybride dans laquelle ils sont réunis tous deux, l'expression
A + 2Aa + a
donne la série des formes pour les descendants des hybrides de chaque couple de caractères
différentiels.

Les expériences dont on vient de parler confirment également la remarque faite par
Gaertner, Koelreuter et d'autres auteurs, que les hybrides ont tendance à retourner aux
espèces souches. On constate que le nombre des hybrides qui proviennent d'une
fécondation diminue d'une façon marquée de génération en génération par rapport à celui
des formes devenues constantes et de leur descendants, sans que toutefois ces hybrides
puissent disparaître. (...)
La moitié des descendants des hybrides de chaque couple de caractères différentiels est
également hybride ; - l'autre moitié est constante, elle se divise en deux groupes égaux
possédant, l'un le caractère de la plante femelle, l'autre celui de la plante mâle. (...)

Cependant, d'après le calcul des probabilités, il doit toujours arriver, en
prenant la moyenne d'un grand nombre de cas, que chacune des formes de pollen A et a se
conjugue un même nombre de fois avec chacune des formes de cellules ovulaires A et a.
Par conséquent, une des deux cellules polliniques A rencontrera dans la fécondation une
cellule ovulaire A, l'autre une cellule ovulaire a, et, de même, l'une des cellules
polliniques a sera réunie à une cellule germinative A, l'autre à a.
Cellule pollinique A A a a Cellule ovulaire A A a a
On peut représenter le résultat de la fécondation en mettant sous forme de fraction les
caractéristiques des cellules ovulaires et polliniques accouplées, ces dernières au numérateur,
les autres au dénominateur. On obtient, dans le cas précédent :
A/A + A/a + a/A + a/a
Dans le premier et le quatrième terme, les cellules ovulaires et polliniques sont de même
nature, les produits de leur combinaison doivent donc être constants, à savoir A et a. Par
contre, dans le deuxième et le troisième terme il y a, de nouveau, réunion des deux
caractères souches différentiels ; et c'est pourquoi les formes provenant de ces fécondations
sont tout à fait identiques à l'hybride dont elles descendent. Il se produit par conséquent
une hybridation répétée. Par là s'explique ce phénomène remarquable que les hybrides
soient capables de produire, à côté des deux formes souches, des descendants semblables à
eux-mêmes: A/a et a/A donnent tous deux la même combinaison Aa, car, ainsi qu'on l'a
déjà dit, il importe peu pour le résultat de la fécondation qu'un des deux caractères
appartienne à la cellule ovulaire ou à la cellule pollinique. Nous avons donc
A/A + A/a + a/A + a/a = A + 2Aa + a.
C'est la forme la plus générale de l'auto-fécondation des hybrides lorsque sont réunis chez
ceux-ci deux caractères différentiels.(...)



145 




150




155




160




165




170




175
Conclusions (...)
Chez Pisum, des recherches ont montré que les hybrides produisent des cellules ovulaires et
polliniques de différentes sortes et que, dans ce fait, se trouve l'explication de la variabilité
de leurs descendants. Pour d'autres hybrides également, dont les descendants se comportent
de la même façon, nous pouvons supposer une raison analogue, par contre, pour ceux qui
restent constants, il semble possible d'admettre que leurs cellules sexuelles sont de même
nature et en concordance avec la cellule hybride fondamentale. D'après des physiologistes
connus, il y a, dans la reproduction des phanérogames, fusion d'un couple ovule-pollen en
une seule cellule(7) qui, par assimilation et formation de nouvelles cellules, peut donner un
organisme indépendant. (...)

S'il arrive qu'une cellule ovulaire s'allie avec une cellule pollinique de nature différente,
nous devons admettre qu'entre les éléments qui conditionnent les différences réciproques,
il se produit une certaine compensation. La cellule intermédiaire qui en résulte devient la
base de l'organisme hybride dont le développement suit nécessairement une autre loi
que celle des deux plantes souches. (...)

En ce qui concerne les hybrides dont les descendants sont variables, on pourrait peut-être
admettre entre les éléments différentiels des cellules ovulaires et polliniques un arrangement
tel qu'il puisse encore y avoir formation d'une cellule servant de base à l'hybride,
sans que la compensation des éléments opposés soit cependant autre chose qu'éphémère et
sans qu'elle dépasse la vie de l'hybride. Comme on ne peut constater aucune modification
dans l'aspect extérieur de cet hybride pendant tout le cours de la végétation, nous devrions
en conclure que les éléments différentiels ne parviennent à sortir de la combinaison qui leur
est imposée qu'au moment de la formation des cellules sexuelles.

Tous les éléments présents concourent à la formation de ces cellules par un groupement
absolument spontané et uniforme, dans lequel seuls les éléments différentiels s'excluent
réciproquement. De cette façon est rendue possible la production d'autant de sortes de
cellules ovulaires et polliniques que les éléments formatifs permettent de combinaisons.
La tentative qui vient d'être faite, pour ramener la principale différence dans le
développement des hybrides à une combinaison durable ou passagère des différents éléments
cellulaires(8), ne peut évidemment prétendre qu'à la valeur d'une hypothèse, à laquelle
l'absence de données certaines laisse encore un vaste champ libre.

(7) Chez Pisum, il y a, sans aucun doute, dans la formation du nouvel embryon, union complète des éléments des deux cellules sexuelles.
Serait-il, sans cela, possible d'expliquer comment les deux formes souches réapparaissent en nombre égal parmi les descendants des
hybrides, et avec toutes leurs particularités ? Si l'ovule n'avait sur la cellule pollinique qu'une action superficielle, si son rôle se réduisait
à celui d'une nourrice, toute fécondation artificielle ne pourrait avoir d'autre résultat que de donner un hybride ressemblant
exclusivement à la plante mâle, ou très voisin d'elle. C'est ce que nos recherches n'ont, jusqu'ici, confirmé en aucune façon. Nous
trouvons évidemment une très forte preuve de l'union complète du contenu des deux cellules, dans cette donnée, confirmée de tous côtés,
qu'il est indifférent pour la forme de l'hybride que l'une des deux plantes souches serve de plante femelle ou de plante mâle.
(8) En allemand : differirenden Zelleleunente.

 Références

Mendel J.. 1865. Versuche über Pflanzenhybriden. www.biologie.uni-hamburg.de/b-online/d08_mend/mendel.htm
trad. Chappellier A.. 1907. Recherches sur les hybrides végétaux . Bulletin Scientifique de la France et de la Belgique, t. 41 : pp. 371-419. www.unil.ch/lpc/docs/pdf/mendel.pdf
accueil > terminale S > histoire de la génétique > 5754 107