sur le même site :
Les découvertes d'Hominidés
Vers un gros cerveau ?
La femme de Flores
  1. L'hypothèse polycentrique ou multirégionale
  2. L'hypothèse monocentrique ou Out of Africa
  3. Références


L'humanité est t-elle constituée d'une ou de plusieurs espèces ou "races" ? Ont-elles une origine commune ou résultent-elles d'une création séparée ? Ces questions apparaissent au 18e siècle et sont encore d'actualité aujourd'hui. Les idées qui influencent ces conceptions ont des origines diverses mais toujours un poids idéologique et religieux considérable.

A leurs débuts les modèles se nomment monogénisme et polygénisme, car la question est alors : une ou plusieurs créations?
Le jardin des délices (détail)
Jérome Bosch - Le jardin des délices (détail); domaine public
Dans le contexe des 18e et 19e siècles, il existe des "races" bien différenciées par leurs caractères morphologiques et intellectuels; ou ces "races" résultent d'une plus ou moins grande dégénérescence à partir du couple originel Adam et Eve, ou elles ont des origines différentes les unes des autres.

Les deux modèles sont en adéquation avec le racisme, mais l'un l'est plus que l'autre. En affirmant que les races ont toujours été différentes, le polygénisme accentue ce qui les distingue, ce qui permet de justifier toutes les différences de traitement; bien pratique quand on est esclavagiste, colonialiste...

Dans Vénus physique, déjà cité (Préformation et pangénèse) de Mauperthuis discute du "Nègre blanc" (avec l'exemple d'un enfant albinos transporté à Paris en 1744):
«De ces naissances subites d'enfants blancs au milieu de peuples noirs on pourrait peut-être conclure que le blanc est la couleur primitive des hommes; et que le noir n'est qu'une variété devenue héréditaire depuis plusieurs siècles, mais qui n'a point entièrement effacé la couleur blanche qui tend toujours à reparaitre. Car on ne voit point arriver le phénomène opposé: l'on ne voit point naitre d'ancêtres blancs des enfants noirs.»

Mauperthuis est monogéniste (même s'il considère en accord avec tous les préjugés européens de l'époque que les «Nègres sont laids»); la citation révèle aussi une certaine idée de l'hérédité avec des caractères ancestraux pouvant répparaitre chez la descendance, très en avance sur ses contemporains, mais évidemment ne peut interpréter correctement l'origine génétique de la maladie due généralement à un allèle récessif d'un gène présent en deux exemplaires (on sait seulement aujourd'hui que des très nombreux gènes sont impliqués, on en connait plus de 60 chez la Souris).

S'opposant au récit de la création, le polygénisme a évidemment une connotation antireligieuse, ce qui explique peut-être sa présence là ou on ne l'attend pas, comme chez Voltaire.

«Il me semble alors que je suis assez bien fondé à croire qu'il en est des hommes comme des arbres; que les poiriers, les sapins, les chênes et les abricotiers, ne viennent point d'un même arbre, et que les blancs barbus, les nègres portant laine, les jaunes portant crins, et les hommes sans barbe, ne viennent pas du même homme.»

Voltaire. 1734. Traité de Métaphysique.

La publication de l'Origine des espèces (Darwin, 1859) va bousculer ces modèles qui sont renommés monocentrisme et polycentrisme. Le monocentrisme s'inscrit naturellement dans la théorie darwinienne en affirmant une origine commune à toutes les "races"; les différences observées aujourd'hui sont alors le résultat inévitable de l'évolution. Le polycentrisme s'adapte en repoussant le plus loin possible dans le temps l'origine des "races" actuelles.

Le polycentrisme perd beaucoup de poids après la seconde guerre mondiale, lorsque les idées racistes sont de plus en combattues. Une fois abandonnée l'idée de "race", la diversité actuelle apparaît bien plus faible et bien moins structurée : le principal obstacle au monocentrisme disparaît.

Un renversement de paradigme est tenté par Rachel Caspari et Milford Wolpoff en associant le polycentrisme avec les valeurs de diversité, d'échange et de fusion (et par conséquence, le monocentrisme avec des valeurs de pureté et d'homogénéié qui sont souvent considérées comme "de droite" ou "conservatrices").

L'hypothèse polycentrique (ou multirégionale)


En 1864, Alfred Russel Wallace, co-autheur de la théorie de l'évolution propose lors d'une conférence devant la société Anthropologique de Londres que nos ancêtres simiesques, après s'être dispersés dans le monde se soient adaptés aux conditions locales des différents environnements. Cette évolution aurait produit les caractéristiques physiques des différentes races, mais non les qualités mentales et morales qui fondent l'Homme (blanc). La question de savoir si ces différences déterminent des races ou des espèces est pour Wallace a matter of choice.

Cette conception qui lie la supériorité de la "race blanche" à un climat "stimulant" est particulièrement commune :

«En supposant que le genre humain disparût en entier, à l'exception d'une seule famille, fût-elle placée sur l'ancien ou sur le nouveau continent, en Australie ou sur quelque îlot madréporique de l'océan Pacifique, nous pouvons être certains que ses descendants finiraient, dans le cours des âges, par envahir la Terre entière, alors même qu'ils n'atteindraient pas un degré de civilisation plus élevé que les Esquimaux ou les insulaires de la mer du Sud.»

Lyell C.. 1863. L'Ancienneté de l'Homme prouvée par la géologie. cité par de Quatrefages A.. 1887. Introduction à l'étude des races humaines. Paris, Schleicher Frères et Cie : 147.

L'hypothèse polycentrique
L'hypothèse polycentique
Les premières découvertes d'hominidés fossiles vont conforter l'idée que l'Homme à son origine en Europe : «Cro-Magon fait bonne figure pour être l'ancêtre des races nordiques, tandis que le crâne de Chancelade (...) est rapproché des races jaunes - particulièrement les Esquimos - et les squelettes découverts à Grimaldi sont rapprochés du type négroïde». (Cohen, 1999 ↓).

Après la découverte de l'homme de Pékin et de celui de Java, et dès les années 30, Franz Weidenreich reformule l'hypothèse du polycentrisme à partir de bases scientifiques. Les arguments sont fondés sur des caractères commun à l'Homme de Pékin (Homo erectus d'Asie) et aux asiatiques actuels. Cependant aucun des caractères cités par Weidenreich (Weidenreich ↓) n'est vraiment spécifique aux asiatiques.

L'hypothèse polycentrique a suscité une forte opposition de l'église catholique :

Dans l'encyclique Humani Generis (1950) Pie XII écrit : «Mais quand il s'agit d'une autre vue conjecturale qu'on appelle le polygénisme, les fils de l'Eglise ne jouissent plus du tout de la même liberté. Les fidèles en effet ne peuvent pas adopter une théorie dont les tenants affirment ou bien qu'après Adam il y a eu sur la terre de véritables hommes qui ne descendaient pas de lui comme du premier père commun par génération naturelle, ou bien qu'Adam désigne tout l'ensemble des innombrables premiers pères. En effet on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s'accorder avec ce que les sources de la vérité révélée et les actes du magistère de l'Eglise enseignent sur le péché originel, lequel procède d'un péché réellement commis par une seule personne Adam et, transmis à tous par génération, se trouve en chacun comme sien.»

L'un des derniers avatars de la théorie polycentrique "classique" est développée par Coon (Coon, 1962).

Cependant, l'idée qu'une évolution parallèle et orientée dans la même direction de plusieurs lignées humaines génétiquement séparées est aujourd'hui indéfendable, car trop improbable.

Renversement de paradigme
L'hypothèse polycenrique revisitée par Rachel Caspari et Milford Wolpoff
L'hypothèse polycentique revisitée par Rachel Caspari et Milford Wolpoff
Rachel Caspari et Milford Wolpoff, en opposition avec les fondements racistes de la théorie polycentrique, proposent un mécanisme pour expliquer le maintien de l'homogénité des populations humaines actuelles, tout en affirmant une continuité géographique dans les caractères différenciés. L'humanité actuelle la forme récente d'une espèce humaine ancestrale qui a évolué en parallèle dans différentes régions puis les différentes populations se seraient homogénéisées par le jeu de migrations : celles-ci auraient en effet permis l'échange de gènes et de traits culturels. L'Homo erectus se serait répandu dans l'Ancien Monde, évoluant partout en Homo sapiens puis en Homo sapiens sapiens, mais des échanges génétiques se seraient maintenus entre les différentes lignées. L'humanité actuelle aurait ainsi eu plusieurs berceaux, reliés les uns aux autres à la suite du nomadisme des populations.

Cette hypothèse a trouvé un certain soutien dans les découvertes fossiles effectuées en Chine, voir dans l'analyse d'ADN mitochondrial de l'homme de Mungo (le résultat de cette dernière étude semble du à une contamination, la stabilité de l'ADN éant très faible sous un climat chaud comme celui de l'Australie).

Le principal problème de cette vision des choses est de faire apparaître l'évolution humaine comme un cas à part, contraire à tous les autres exemples connus d'évolution, qui fonctionnent selon le modèle de la diversification et de la décimation (Gould).

 Weidenreich Franz. 1947.Facts and spéculation concerning the origin of Homo sapiens. American Anthropologist 49: 187-203.
 Wolpoff M.H. Caspari R.. 1996. Race and Human Evolution : A Fatal Attraction. New York, Simon and Schuster.
 Cohen C.. 1999. Préjugés et modèles de la paléontologie humaine. Dossiers Pour la science, Belin.
 Coon C. 1962. The Origin of Races. Knopf, New york.
 Darwin C.. 1872. On the origin of species by means of natural selection... sixth edition (trad. Barbier E.. 1896. L'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle. Schleicher frères, .) cedric.cnam.fr/ABU/
Evolution du concept de racisme. www.amnestyinternational.be/doc/article.php3?id_article=6224
en.wikipedia.org/wiki/Polygenism

Monocentrisme

Alors même que l'interfécondité montre bien que l'utilisation du terme d'espèces est inadéquate pour qualifier les différentes populations humaines, Darwin s'attache à démontrer que les "races" humaines se confondent les unes aves les autres (donc que l'application de ce concept à l'Homme est stérile).

«Mais l'argument le plus puissant à opposer à la théorie qui veut considérer les races humaines comme des espèces distinctes, c'est qu'elles se confondent l'une avec l'autre, sans que, autant que nous puissions en juger, il y ait eu, dans beaucoup de cas, aucun entrecroisement. On a étudié l'homme avec plus de soin qu'aucun autre être organisé ; cependant les savants les plus éminents n'ont pu se mettre d'accord pour savoir s'il forme une seule espèce ou deux (Virey), trois (Jacquinot) quatre (Kant) cinq (Blumenbach), six (Buffon), sept (Hunter), huit (Agassiz), onze (Pickering), quinze (Bory Saint-Vincent), seize (Dumoulins), vingt-deux (Morton), soixante (Crawfurd) ou soixante-trois, selon Burke. Cette diversité des jugements ne prouve pas que les races humaines ne doivent pas être considérées comme des espèces, mais elle prouve que ces races se confondent les unes avec les autres, de telle façon qu'il est presque impossible de découvrir des caractères distinctifs évidents qui les séparent les unes des autres.»     "But the most weighty of all the arguments against treating the races of man as distinct species, is that they graduate into each other, independently in many cases, as far as we can judge, of their having intercrossed. Man has been studied more carefully than any other animal, and yet there is the greatest possible diversity amongst capable judges whether he should be classed as a single species or race, or as two (Virey), as three (Jacquinot), as four (Kant), five (Blumenbach), six (Buffon), seven (Hunter), eight (Agassiz), eleven (Pickering), fifteen (Bory de St-Vincent), sixteen (Desmoulins), twenty-two (Morton), sixty (Crawfurd), or as sixty-three, according to Burke.* This diversity of judgment does not prove that the races ought not to be ranked as species, but it shews that they graduate into each other, and that it is hardly possible to discover clear distinctive characters between them."

Darwin C.. 1871. La descendance de l'Homme : chapitre 7, On the races of Man.

Darwin est sans ambiguité monocentriste
"The question whether mankind consists of one or several species has of late years been much discussed by anthropologists, who are divided into the two schools of monogenists and polygenists. Those who do not admit the principle of evolution, must look at species as separate creations, or in some manner as distinct entities; and they must decide what forms of man they will consider as species by the analogy of the method commonly pursued in ranking other organic beings as species.
(...)
Those naturalists, on the other hand, who admit the principle of evolution, and this is now admitted by the majority of rising men, will feel no doubt that all the races of man are descended from a single primitive stock; whether or not they may think fit to designate the races as distinct species, for the sake of expressing their amount of difference."

Darwin C.. 1871. La descendance de l'Homme : chapitre 7, On the races of Man.

Darwin situe l'origine de l'Homme en Afrique
«Nous sommes naturellement amenés à nous demander, où se situait le lieu de naissance de l'Homme lorsque nos ancêtres ont divergé de la souche des Catarhiniens ? Le fait qu'ils appartenaient à cette souche montre clairement qu'ils habitaient l'Ancien Monde; mais pas l'Australie ni aucune ile océanique, comme nous pouvons le déduire des lois de la répartition géographique. Dans chaque grande région du monde, les mammifères vivants sont étroitement liés aux espèces éteintes de la même région. Il est donc probable que l'Afrique était autrefois habitée par des espèces de singes disparues étroitement liées au Gorille et au Chimpanzé; et comme ces deux espèces sont maintenant les plus proches alliés de l'homme, il est un peu plus probable que nos premiers progéniteurs aient vécu sur le continent africain qu'ailleurs.»
"We are naturally led to enquire, where was the birthplace of man at that stage of descent when our progenitors diverged from the catarhine stock? The fact that they belonged to the stock clearly shews that they inhabited the Old World; but not Australia nor any oceanic island, as we may infer from the laws of geographical distribution. In each great region of the world the living mammals are closely related to the extinct species of the same region. It is therefore probable that Africa was formerly inhabited by extinct apes closely allied to the gorilla and chimpanzee; and as these two species are now man's nearest allies, it is somewhat more probable that our early progenitors lived on the African continent than elsewhere."


Charles Darwin. 1871. The descent of man and selection in relation to sex. London, John Murray : chapitre 6, On the Affinities and Genealogy of Man.

Haeckel situe l'origine de l'Homme sur un continent disparu, la Lémurie
1874_histoire_de_la_creation_pl15_p681
L'origine des diverses espèces d'Hommes à partir de la Lémurie
Haeckel E.. 1874; domaine public.


Le racisme d'Haeckel
L'origine des diverses espèces d'Hommes à partir de la Lémurie
Arbre généalogique des grands singes (incluant le "Nègre" !)
Haeckel E.. 1874. Anthropogénie, p.489; domaine public.
Le monocentrisme d'Haeckel ne suffit pas à le préserver du racisme.

Contrairement à Darwin, et malgré le fait qu'il contribue grandement à en diffuser les (une partie des) idées, il considère carrément que la distance entre les races "supérieures" et les races "inférieures" est plus grande qu'entre ces dernières et les singes et il attribue aux différentes races des noms d'espèces distincts, une différence considérable avec la position de Darwin (Darwin, 1871, ch 7).

Il est important de situer les idées d'Haeckel (et d'autres) dans le contexte de son temps; le racisme n'est pas une invention scientifique. C'est d'abord une construction économique; esclavagisme, colonialisme et racisme sont des pratiques (puis des conceptions) dictées par le profit qui résultait de l'exploitation d'une main d'oeuvre servile et bon marché. Les "justifications" scientifiques viennent en second.

Out of Africa
L'hypothèse monocentrique
L'hypothèse monocentique
La filiation représentée entre Homo erectus et ses sucesseurs, à travers ce schéma destiné à la comparaison avec l'arbre précédent, est sans doute une simplication excessive: par exemple, l'ancêtre commun à Homo sapiens et à Homo erectus n'est pas exactement Homo erectus, mais peut-être un de ses ancêtres (ou un de ses descendants); cette précision qui a peu d'importance dans l'hypothèse polycentrique (dans laquelle les limites entre espèces restent floues du fait de l'hybridation) en a ici davantage, mais ne remet pas en cause le modèle du remplacement.

Les découvertes les plus récentes concernant les Dénisoviens (qui n'ont pas encore droit à un nom scientifique) pourraient conduire à placer cette espèce à l'extrémité de la branche asiatique partant d'Homo erectus.

Beaucoup pensent qu'il faut diviser Homo erectus en plusieurs espèces, mais en l'état, cette phylogénie reste très discutée. Par ailleurs, la séparation entre Homo neanderthalensis et Homo sapiens, pour ne citer qu'eux est davantage le fait de barrières environnementales que de barrières physiologiques. Pour certains ces barrières sont psychologiques et tiennent aux différences cognitives; il en serait de même entre Homo sapiens et l'Homme de Denisova.
En 1987, Rebecca Cann publie une étude qui conclut que tous les Homo sapiens actuels dérivent d'une petite population africaine ayant vécu il y a 200 000 ans (Cann, 1987). Cette hypothèse a été reprise par Chris Stringer (Out of Africa).

L'hypothèse monocentrique s'appuie sur des arguments génétiques :
- la diversité génétique des populations humaines actuelles est très faible (bien plus faible que celle des Chimpanzés, pourtant plus limités géographiquement), donc en accord avec un ancêtre commun récent.
- la plus grande diversité entre populations est présente en Afrique (Cann, 1987).
- l'ADN mitochondrial de l'homme de Neandertal diffère nettement de celui des Homo sapiens (Krings, 1999).
- l'homme de Neandertal reste présent en Espagne bien après l'apparition des Homo sapiens en Europe. Leur présence simultanée est attestée en Israel vers -100 000 ans et en France vers - 40 000 ans.
- Homo erectus semble être encore présent à Java il y a 50 000 ans.

La découverte en 2004 de fossiles attribués à une nouvelle espèce d'Hominidé, Homo floresiensis, constitue un autre exemple de lignée humaine qui s'est différenciée, puis maintenue apparemment sans échange avec Homo sapiens ou Homo erectus. Pour Chris Stringer les contestations les plus fortes de cette découverte viennent de multirégionalistes qui n'ont pas accepté d'abandonner l'idée qu'il n'a pu exister qu'une seule espèce humaine pendant ces deux derniers milllions d'années ou à peu près. (cf La femme de Flores sur ce même site).

En 2007, Andrea Manica et ses collaborateurs (Manica, 2007) analysent statistiquement des données morphologiques (mesures sur 6000 squelettes d'Homo sapiens). Ils observent une perte de variabilité d'ouest en est comparable à celle mise en évidence dans les analyses génétiques et concluent à une origine unique située dans la moitié sud de l'Afrique (figure).

Accessit de consolation pour les polycentristes
Plusieurs indices accumulés dans les années récentes, sans remettre en cause la théorie monocentriste, indiquent une situation plus complexe et moins tranchée que les énoncés précédents le laissent supposer; ainsi une évolution en mosaïque est intervenue, mais dans des limites assez strictes. Les échanges se seraient confinés à des groupes d'Homo sapiens dispersés en Afrique (Scerri, 2018), ou entre populations appartenant à des espèces considérées comme différentes (Homo sapiens, Homo neanderthalensis et les mystérieux dénisoviens), mais dont les conséquences se limitent à quelques % du génome (Green, 2010) (Reich, 2010). Les échanges entre ces populations auraient longtemps étés bloqués par des barrières environnementales (surtout climatiques en Afrique), sans impliquer une infécondité des hybrides.

Le séquençage partiel du génome nucléaire d'Homo neanderthalensis réalisé en 2010 montre des échanges très limités avec les populations européennes et asiatiques actuelles d'Homo sapiens (Green, 2010); le plus probable est que ces échanges seraient intervenus au Moyen Orient avant la dispersion d'Homo sapiens en Asie. D'autres échanges auraient pu survenir sans laisser de trace dans les génomes actuels ce qui n'a pas d'intérêt du point de vue génétique, mais pourrait en avoir du point de vue historique. Des échanges tout aussi limités se seraient produits entre les Dénisoviens et les Homo sapiens ayant colonisé l'Asie; ainsi le gène EPAS1 qui modifie la concentration en oxygène en altitude, aurait été incorporé dans le génome des Homo sapiens asiatiques (Tibétains) à partir du génome Dénisovien (Emilia Huerta-Sánchez, 2014).

 Darwin C.. 1871 (1874). Trad. Barbier E.. 1891. La descendance de l'Homme et la sélection sexuelle. Reinwald & Cie, Paris.
 Cann R., Stoneking M. Wilson A.. 1987. Mitochondrial DNA and Human Evolution. Nature, 325 : 31-36.
 Krings M.H. Geisert R.W. Schmitz Krainitzki H. Pääbo S.. 1999. DNA sequence of the mitochondrial hypervariable region II from the Neanderthal type specimen. Proc. Natl. Acad. Sci. 96 : 5581-5585.
Stringer C. McKie R.. 1996. African Exodus : The Origins of Modern Humanity. New York, Henry Holt.
 Andrea Manica, William Amos, François Balloux & Tsunehiko Hanihara. 2007. The effect of ancient population bottlenecks on human phenotypic variation. Nature 448 : 346-348. doi:10.1038/nature05951. Researchgate
 Richard E. Green et al.. 2010. A Draft Sequence of the Neandertal Genome. Science 328, Issue 5979: 710-722. DOI: 10.1126/science.1188021
Reich David et al. 2010.. Genetic history of an archaic hominin group from Denisova Cave in Siberia. Nature 448 : 346-348. doi:10.1038/nature05951.
 Eleanor M. L. Scerri et al.. 2018. Did Our Species Evolve in Subdivided Populations across Africa, and Why Does It Matter ? Trends in Ecology & Evolution DOI : 10.1016/j.tree.2018.05.005.

Bibliographie


Billings T.. 1999. Out of Africa vs. Multiregionalism. 1999. www.stephenjaygould.org

Barbach J. and Craig Byron C.. . Cultural Biases Reflected in the Hominid Fossil Record . www.archaeologyinfo.com/perspectives003.htm

de Quatrefages A.. 1888. L' espèce humaine . 9e édition Paris, ancienne librairie Germer Baillière et cie Félix Alcan, éditeur.
visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-89385

Gould S. J.. 1988. Le sourire du Flamant rose (L'égalité des Hommes est un accident de l'histoire). Seuil, Paris : 176-190. (The Flamindo's smile. W.W. Norton & Company).

Stringer Chris. 2012. Survivants Pourquoi nous sommes les seuls humains sur Terre. Gallimard, Paris. (Lone Survivors. How We came to be the only Humans on Earth. Time Books, New York).
Ce livre de Chris Stringer, chercheur au Natural History Museum de Londres, constitue la meilleure synthèse actuelle le sujet. On peut regretter la mauvaise traduction du titre qui aurait du être: "comment nous sommes devenus les seuls humains..." et non "pourquoi"; la conclusion même de l'ouvrage "Nous incarnons une façon d'être humain -la seule qui survive aujourd'hui- mais ce que la paléoanthropologie a de fascinant, c'est de nous faire voir ces autres chemins vers l'humanité, leurs premiers succès et leur fin, due à l'échec ou simplement à la malchance" montre bien que la paléoanthropologie ne saurait répondre au Pourquoi des choses.
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